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Entre Rambouillet et Versailles
11 novembre 2008

Les Lecerf de St-Germain/Laye

Les LECERF

pharmaciens à Saint-Germain-en-Laye

L’origine de cette famille reste obscure dans l'état actuel de mes recherches. Ce n'est pas un nom rare, c'est tout ce que je peux dire.

Ma grand-mère maternelle, épouse Lecerf, me conseillait de chercher du côté de la Normandie. Selon quelles preuves ? Certains Lecerf ont en effet des aïeux normands. Pourtant, mes recherches indiquent le Nord.

Une fille-mère

Ernestine Aimée Joseph Lecerf naquit à Douay vers 1795.

Le 10 décembre 1818 elle donna le jour à Tournay (actuellement Belgique) à un fils Désiré. Elle travaillait comme marchande.

Le père n'est pas indiqué. Il s'agit donc d'une "mère célibataire". Comment, pourquoi ? Sans doute, ne le saurons -nous jamais. Nous ne pouvons que laisser vagabonder notre imagination. Abandonnée peut-être, elle accoucha à trente kilomètres de chez elle. Pour fuir la ru­meur ? Notons le prénom de l’enfant : Désiré. Souvent, il est choisi dans des circonstances dramatiques.

Courageusement, elle quitta sa région pour aller vers les environs de Paris. Pour y être anonyme ? Elle y avait des cousins éloignés. Je ne retrouve sa trace que plus tard. En 1846 elle demeure à Bou­gival, sur les bords de la Seine, un petit coin charmant. Elle n'y était pas propriétaire car le cadastre ne conserve aucune trace d'elle. Elle vivait de ses rentes.

pharmaciens de père en fils ?

Désiré se marie en 1846.

Il exerce alors la profession de pharmacien. Une réussite.

Sa future épouse demeurait non loin, rue de Paris à Saint-Germain-en-Laye. Elle avait trente ans, et lui vingt-huit. Elle s'appelait Louise Taconet. Louise, un prénom royal. Elle était née en 1817, sous le règne de Louis XVIII.

Ils étaient d'un rang social comparable : lui pharmacien, elle fille de marchands merciers. Un des deux témoins de l'époux était pharmacien à Grenelle. L'autre, Charles Lemoine, lieutenant, était son cousin. à Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais, il avait servi en Afrique du Nord.

Désiré poussa ses deux fils à faire des études de pharmacie. Or, disait la tradition familiale, l’aîné aurait préféré devenir professeur d’histoire. On affirmait qu’il avait rem­porté un prix au Concours Général. Vantardise famiale ? Un moment je l'ai pensé. Je suis allé aux Archives Nationales pour vérifier, mais sans espoir.

J'avais tort. Le carton A J 16 408 confirma les dires de mon aïeule. Gaston Lecerf, de la classe de Mathématiques Spéciales à Versailles, obtint en 1866 le premier prix d'histoire au Concours Général. Le 6 août, à midi, il fut récompensé par une couronne et des livres donnés par le ministre en-per-son-ne. Quelle réussite et quelle émotion pour ce jeune homme de dix-huit ans. Quelle joie pour le jeune chercheur que j'étais !

Mais le paternel n’appréciait pas du tout l'attirance de son rejeton pour Dame Clio. Gaston devint donc phar­macien. En marche ! une ! deux !

Désiré mourut en 1867, il n’exerçait plus. Deux amis étaient témoins : un notaire et un ébéniste.

Un sacrÉ loustic

Il y avait un autre frère, plus jeune. Longtemps j’ignorai son existence. Il faut dire que dé­pouiller systématiquement les Tables Décennales de Saint-Ger­main-en-Laye est bien ennuyeux. Un jour, je me rendis au cimetière pour voir les tombes familiales. Là encore, je n'avais pas espoir de découvrir grand’ chose. Or, je vis sur la pierre, le nom de "Georges Lecerf" et deux dates : 1853-1892.

Qui était ce type, mort si jeune ? Chouette, un nouveau mystère !

Alors me revinrent en mémoire des confidences de ma grand-mère. Il y avait dans la famille de son mari un militaire mort tragi­quement. On chuchotait qu'il s’agissait peut-être d'un suicide. Oh oh…

Une visite aux Archives de l’Armée me permit de consulter l'épais dossier de cet arrière-grand-oncle. Ce fut une de mes grandes joies de chercheur. Enfin, je pouvais connaître la psychologie d'un ancêtre. D’habitude les documents recueillis par un généalogiste ne nous renseignent guère sur la personnalité des gens. Cela reste souvent stéréotypé.

Pas ici.

Georges, fils de Désiré Lecerf, naquit en 1853. Il fit des  études en pharmacie, comme son père et son frère. Puis en novembre 1872 il laisse tomber et s’engage pour deux ans. Il est envoyé dans les cuirassiers. Il ne sera pas un « notable ». C'était un jeune homme blond, de grande taille avec ses 1,81 m.

Il devient maréchal des logis fourrier en 1875, puis maréchal des logis chef.

Son livret matricule est passionnant. On y lit la liste de ses permissions, et aussi celle, très longue, des sanctions dont il fut frappé entre 1876 et 1880.

Enfin un aïeul qui a fait des bêtises.

Quelques exemples.

Le 10 janvier 1876, quatre jours de consigne : "n'a pas remis après en avoir reçu l'ordre les tapis de moins-value d'un tapis égaré" ( ?).

Le 9 février, même punition : "n'a pas touché les effets de cam­pements à l'heure prescrite".

Le 23 avril, huit jours de salle de police pour avoir adressé à un officier une réclamation sur "un ton inconvenant".

Le 30 mai, punition : il "a ridiculisé un ordre donné par l'adjudant".

Le 8 juin : "a tenu à la pension des propos inconvenants sur un de ses camarades et a provoqué une rencontre entre eux".

Le 13 juillet : "a quitté la manoeuvre".

Le 1er août, quatre jours de consigne "pour s'être permis de rire d'une observation qui venait d'être faite par un officier". Puis quatre jours de prison pour "s'être grisé et avoir été de la dernière inconvenance en gestes ironiques et en paroles envers cet officier". Le colonel double la peine.

Le 22 décembre : " a murmuré avec pertinence et insolence".

Cette fois, c'en est trop ! Il est rétrogradé ! Il va se modérer, mais pas pour longtemps.

En effet, le 13 mars 1878 il est puni pour avoir "été rencontré à trois heures en ville à cheval et en petite tenue". Le commandant l'in­terroge, lui soutient "effrontément un mensonge" : huit jours de prison.

Le 4 mai 1879 : "a répondu à l'adjudant major sur un ton élevé en gesticulant à l'annonce d'une punition : je réunirai les réservistes, mais je ne veux pas trotter".

Cependant, comme il a un bon niveau scolaire, il est envoyé durant une année à l'Ecole de Cavalerie de Saumur comme élève officier.

aussi, bien sur, quelques punitions. Une faute d’inattention "pour avoir maltraité un cheval au point de le rendre indisponible".

Il en sort avec une bonne place, 18me sur 68.

Il devient sous-lieutenant au 14e régiment de dragons.

En 1885, il reçoit l'ordre du Buste du Libérateur, une décoration vénézuélienne. Pour quelles raisons ?

A l'armée ses supérieurs disent qu’il a une bonne santé, une bonne éducation, qu'il est intelligent, d'une bonne moralité.

"Ayant acquis une bonne instruction par un travail soutenu", il est un bon chef de peloton et un bon comptable. On le dit bon en grammaire, histoire et géographie, arithmétique et géométrie.

Il y a aussi le revers de la médaille :

"Aimerait assez à discuter, jugement pas toujours très droit, vantard, serviteur régulier mais sans exagération de zèle, sera un bon officier d'habillement ou trésorier, peu d'avenir, nature sans grand ressort."

Il est quand même proposé pour le grade de capitaine.

Ce livret donne aussi la liste des permissions pour Saint-Germain-en-Laye et Etampes demeure alors sa famille. Il s’en va aussi à Berlin durant une permission de deux mois : il parlait bien l’allemand. Mission d’espionnage ? Oh oh, cela se corse. Mon ancêtre, James Bond de l’époque ? J'imagine.

Georges meurt tragiquement dans la nuit du 22 au 23 avril 1892. Le rapport du médecin attribue son décès a une asphyxie par oxyde de carbone, due au poële de charbon en mauvais état. Vers sept heures moins vingt l’infirmier l'avait découvert la tête et une partie du tronc hors du lit, une écume fine au coin des lèvres, sans traces de violence. Une odeur d'oxyde de carbone flottait dans la pièce basse et petite. Une réanimation fut tentée en vain.

En parlant de suicide, la tradition familiale semble avoir déformé la réalité.

Maurice abandonne la pharmacie

Le frère du loustic, René-Gaston,  préféra rentrer dans le rang et obéir. Il avait renoncé à l’enseignement de l’histoire pour vendre des médicaments, comme papa. Il épousa Eugénie Vaucanu, fille d'un receveur de rentes de Saint-Germain. Le jeune couple demeura à Etampes puis retourna à Saint-Germain, rue de la République.

Deux enfants naquirent :

En 1880 Marguerite-Berthe, à Etampes, et en 1882, Maurice. Marguerite a laissé le souvenir d’une vieille fille pas sympathique, avare. Elle mourut en 1964.

Son frère Maurice fut parait-il un peu dilettante. Il avait traduit des articles d'une langue scandinave. Il aimait la Scandinavie.

Nous avons une brochure qui lui appartenait :"La Norvège, a travers ses provinces. La province de Trondhjem", publiée en 1927, avant son mariage.

A l'intérieur, une carte de visite de "Hetman Boe, ingénieur-conseil à la Société Norvégienne de l'azote, 4 rue Alexandre Liaume Paris 7me ".

Il y a aussi des cartes postales de Suède, très jolies : Stockholm, Saltsjôbaden (juste à côté), Uppsala, Rättvik.

Il fut ensuite greffier au tribunal de Pau. Il mourut de la tuberculose en 1936.

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