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Entre Rambouillet et Versailles
4 octobre 2009

Aristide Bouchez, maire de Villiers-Saint-Frédéric

ARISTIDE BOUCHEZ

MAIRE DE VILLIERS-SAINT-FREDERIC (Seine-et-Oise)

Résumé d’un article paru dans une revue d’histoire locale de Rambouillet : la SHARY, bulletin n° 63, 4me trimestre 1996.

Aristide-Louis Bouchez naît en 1845 dans une famille de cultivateurs moyens de Villiers-Saint-Frédéric. On lui donne un des prénoms de son grand père, Nicolas-Louis, soldat sous la Révolution et l'Empire puis conseiller municipal. Dans le village, la population (415 habitants) se consacre surtout au maraîchage : asperges, petits pois, haricots, pommes de terre. Par contre, on fait peu de céréales et la production de vin (une piquette) décline. Des arbres fruitiers de plus en plus nombreux produisent une liqueur de cerises. La commune compte aussi une laiterie, une épicerie ainsi que quelques cabarets et moulins.

carteVSF

Aristide n’est pas indifférent au sort de son prochain : lors de la guerre de 1870 il aurait protégé deux soldats bavarois en fuite. Puis en 1874, il entre en politique comme scrutateur aux municipales et se marie avec la fille d’un conseiller municipal.

Aux législatives de 1876 l’arrondissement (Rambouillet) élit un républicain conservateur mais le bonapartiste obtient quand même 27 % des suffrages. En 1877, nouvelles législatives et le républicain est encore vainqueur. En 1881, alors que les républicains sont au pouvoir depuis deux ans seulement, Bouchez se porte candidat avec son beau-frère aux municipales de Villiers. Seul ce dernier fut élu, Bouchez n'ayant que 44 voix sur 122 inscrits environ.

Aux législatives de 1885 il soutient une liste républicaine où figure l’ancien chef de cabinet de Gambetta. Les royalistes et les bonapartistes qui n’apprécient pas les efforts des républicains pour l’instruction dénoncent la « folie des palais scolaires (...) Avant 1877 les écoles étaient spacieuses, saines, aérées, mais non luxueuses ». Dans l'arrondissement, les candidats radicaux soutenus par les républicains modérés l'emportent alors qu’à Villiers les républicains de toutes tendances n'obtiennent qu'un quart des suffrages.

En septembre 1889, nouvelles législatives. Dans la circonscription de Rambouillet trois candidats sont en lice  : le député sortant (radical), un républicain dit opportuniste c’est-à-dire modéré et Marcel Habert, avocat, conseiller général de Montfort, de tendance nationaliste. La Ligue Nationale Antisémitique de France d’Edouard Drumont intervient aussi avec son odieuse obsession d’un soit-disant « péril juif ». Le radical est élu député mais à Villiers, le candidat nationaliste obtient 71% des voix. Mais comme le député élu meurt aussitôt, il faut revoter en 1890. Les républicains ont trois candidats dont un radical. A droite, le comte de Caraman est protectionniste et défend la liberté d'enseignement. A Villiers au premier tour, il reçoit 59% des suffrages. Mais au deuxième tour le radical est élu. En 1892 Aristide Bouchez. arrive en tête aux municipales mais reste premier adjoint, devant laisser le fauteuil de maire à René Courtois au long passé politique. En septembre, il est élu délégué suppléant pour les élections sénatoriales.

mairieVSF

Les registres du conseil municipal nous décrivent la vie quotidienne. Plusieurs plaintes s’élèvent contre la laiterie et la porcherie du Pontel qui déversent leur pollution dans la rivière de la Mauldre : elle dégage une odeur infecte. En hiver, un petit crédit est ouvert aux indigents : par personne, deux kilos de pain bis pour chaque mois d'hiver et un pot-au-feu une fois par semaine.

En juillet 1893 R. Courtois démissionne. Aristide Bouchez est élu maire.

Depuis 1893, il est membre de la Société Populaire d'Encouragement à l'Instruction Publique dans le Canton de Montfort l'Amaury. Durant son mandat (1893-1898), il fait verser une subvention à cette société. Celle-ci définit ainsi ses buts : « Faire une France grande et forte, revenant à de saines traditions, à ses grands principes, en donnant aux masses la lumière, la lumière chassant l'ignorance veule et asservissante. Nous entendons faire rayonner cette lumière par le développement progressif de l'éducation morale et civique qui formera les seuls bons et loyaux citoyens dont les coeurs se dévouent à la Patrie et à la Démocratie ».

En 1893, législatives. Un scandale éclabousse des notables républicains, en particulier le député sortant (radical). Il tente de mobiliser en relançant la « guerre scolaire » et reproche à un républicain modéré, grand chasseur, de gêner les paysans. Habert, habilement, se tient à l'écart de la querelle religieuse et scolaire. Il appartient à une droite nouvelle, démagogique et nationaliste. Les appels du Pape à se rallier à la République (1890, 1892) éliminent le monarchiste et la division de la gauche permet à Habert de vaincre.

ancienne_Mairie

Photo : ancienne mairie, encyclopédie Wikipédia

Au conseil municipal la vie suit son cours. Aristide Bouchez donne à la commune une bande de terrain pour élargir une rue. De temps en temps, des réunions sont annulées en raison du faible nombre de présents : les travaux des champs sont exigeants. En 1894, le Conseil accorde dix francs pour la fondation d'une oeuvre philanthropique en souvenir du président Carnot assassiné.

En 1896, un mois avant les municipales, la situation se tend : « à Boissy sans Avoir, à Villiers saint Frédéric, les maires actuels sont également dans des situations difficiles vis-à-vis de leurs conseils ». Aristide est élu conseiller avec seulement 48 voix, devancé par d'autres candidats. Cependant on le réélit maire. Le nouveau conseil vote un crédit pour un buste de la République à l'école et une participation financière pour d'un monument à la gloire de Pasteur. Le compte-rendu des délibérations insiste sur le fait que la fête patronale aura lieu. Mais peu à peu l'ambiance se détériore à cause de l’absentéisme. Lors de l'élection des délégués pour l'élection sénatoriale Bouchez n’a que cinq voix.

L'année 1898 est agitée. L'affaire Dreyfus (un Juif innocent accusé d’espionnage) coupe la France en deux et marque les législatives de mai. Le député Habert expose son opinion : « Dés 1893, je déposais avec M. Gauthier (de Clagny) un projet de loi qui établissait la peine de mort pour les espions et les traîtres. Si ce projet avait été adopté alors, Dreyfus aurait pu être fusillé en 1895, mais la Chambre n'a voté cette proposition qu'en 1895 et le Sénat ne s'est pas encore décidé à la voter. Il nous a donc été impossible d'obtenir qu'un officier qui trahit sa patrie, soit condamné à mort.» La famille d'Aristide raconte qu'il était partisan de Dreyfus. Habert est réélu député mais compromis en 1899 dans une tentative de coup d'Etat, il est arrêté.

Le 15 juillet 1898, « l'Indépendant de Rambouillet » publie une lettre d'Aristide Bouchez :

« Monsieur le directeur,

Tous les ans, depuis quelques années, le lendemain de la fête de Villiers qui est le 3e dimanche de juillet, nous distribuons les prix aux élèves de l'école communale afin de donner plus d'attrait à la fête. J'ai l'habitude, pour cette cérémonie, de réunir le Conseil Municipal pour lui demander son avis : un maire ne devant disposer des fonds municipaux que sur l'avis du Conseil Municipal. Mais cette année, contrairement à leur habitude, la plupart des conseillers n'ont pas trouvé le temps nécessaire pour se déranger afin de s'entendre, de sorte que j'ai le regret de vous dire que la fête de l'année 1898 se passera sans qu'il soit fait de distribution des prix.

Je ne sais quelle est la cause qui empêche nos honorables conseillers de se déranger. Si c'est les travaux : tout homme qui n'est pas libre de lui quand il le veut a le tort d'accepter ces fonctions et il trompe les électeurs qui l'ont nommé ; si c'est par suite de mauvais conseils venant d'adversaires moins naïfs qu'eux, mais plus malfaisants, c'est une preuve de leur faiblesse et, dans ce cas, jamais je ne voudrais entrer dans un conseil municipal ». 

Le Conseil ne peut plus se réunir. Plusieurs conseillers démissionnent.

Le 16 août, Aristide Bouchez reproche aux conseillers de manquer les réunions. « Ils sont la cause que nous n'avons pu faire de distribution des prix cette année, comme nous le faisons habituellement. Ils n'ont pas plus d'égard pour la cause de l'instruction que pour les électeurs. Ils ont été convoqués cinq jours avant l’élection des conseillers d’arrondissement pour la formation du bureau. Nous espérions qu’ils viendraient ; ce qui aurait été une preuve qu’ils veulent revenir de leur erreur, et, dans ce cas nous aurions essayé la session d’août. Mais pas un ne s’est dérangé, ni même excusé, et vous savez ce qu’il en est résulté. Poussés par nous ne savons quels conseils pour tenter notre démission, et voyant que nous ne la donnions pas, ils ont donné la leur ». Constatant le fait, il démissionne avec son adjoint. « Par ce fait nous serons tous égaux, et les électeurs n'auront plus qu'à choisir ». Il demande à ne pas faire partie de la commission qui organisera les élections : « nous ne trouvons pas qu’il serait juste de nous en charger ». Selon une lettre adressée au ministre, il s’agirait de « dissentiments tout personnels  ». Pourtant comment ne pas faire le lien avec la situation politique ? 

En attendant de nouvelles élections, une Délégation spéciale s’occupe des affaires courantes. Aux municipales d’octobre l'abstention est élevée. Aritide est élu conseiller et quatre suffrages se portent sur un « Bouchez fils » (Georges ?). Lors de l'élection du maire, Aristide et son ancien adjoint ne viennent pas. Le deux novembre, ils démissionnent. Aristide redevient conseiller plus tard.

En 1899, l'instituteur qui sympathisait avec les idées de l'ancien maire écrit : « Le mobilier (de l'école) fut remplacé le 1er octobre 1898. A l'instigation de l'instituteur actuel, M. Bouchez, maire, fit voter les fonds nécessaires à l'acquisition d'un mobilier neuf. Le Conseil vota la somme de 400 F. et M. Flamand conseiller général fit obtenir à la commune un secours de 300 F. (...) Le buste de la République qui orne la classe fut acheté il y a quatre ans sous l’administration de M. Bouchez ancien maire. L'instituteur n'a eu qu'à se louer des bonnes relations qu'il a eues avec ce maire profondément attaché à nos institutions républicaines et favorables à toutes les dépenses concernant l'amélioration du matériel scolaire ou la situation pécuniaire de l'instituteur. Autrefois, chaque année, le Conseil Municipal votait une somme de 20 F. pour l'acquisition de livres nouveaux ou la reliure des anciens volumes.»

aristide

En janvier 1914, A. Bouchez rédige son testament philosophique :

« Testament d'un libre penseur

Que ma dernière heure soit proche ou bien lointaine,

Je quitterai la terre résolu et sans peine.

Ayant eu dans la vie plus tracas que plaisirs :

Nous savons tous, enfin, que nous devons mourir.

Mais quittons cette terre où tant de malheureux

Vivent dans la misère et ayons pitié d'eux.

Soyons toujours humains envers notre semblable,

Et soutenons toujours ces pauvres misérables,

A qui la Providence a réglé le destin;

Et celui qui possède doit leur donner du pain.

Je veux, quand je mourrai, qu'on me garde trois jours

Avant de m'enterrer. Ce sera pour toujours.

Je veux qu'il soit donné cent francs aux malheureux,

Car, j'ai passé ma vie à avoir pitié d'eux.

Je charge mes enfants, tous de s'en occuper :

Le maire leur aidera à les bien partager.

Et comme je n'ai besoin d'aucun intermédiaire

Auprès de Dieu, s'il est, pour régler mes affaires :

Je termine enfin le présent testament,

Et demandant qu'on m'enterre civilement.

Et si j'ai fait des fautes et que Dieu me pardonne,

Je n'ai besoin pour ça de déléguer personne ». 

testament2

Un de ses fils devient conseiller à Villiers et une fille épouse E. Motron, candidat radical en 1912 aux municipales de Versailles. Quelques années après paraît-il, une des petites-filles d’Aristide, Louise, collait sur les bancs de sa classe des vignettes en faveur de la laïcité ou de Gambetta.

Aristide s'éteint en 1920.

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